Fin mars, le musée du Louvre célébrait
les 30 ans de la pyramide qui trône dans sa cour principale.
A cette occasion ils ont encore fait
appel à l'artiste JR qui a réalisé un magnifique trompe-l’œil
en papier où la pyramide s'enfonce dans un gouffre gigantesque.
L'illusion n'était vraiment visible
que depuis certains balcons du musée, non accessible au public.
Elle n'était appréciable que sur des
photos et sur un écran géant présent sur le site.
Au sol c'était une tout autre
impression qui se dégageait. Les formes étaient déformées à
l’extrême, me donnant la sensation d'être sur une rivière en
mouvement.
Les illusions sur les petites pyramides
étaient elles parfaitement appréciables vue du sol.
Les petites pyramides.
Mais l'effet vraiment inattendu était
la dégradation de l’œuvre.
Sa fragilité venait de sa nature
même : du papier et de la colle.
Le soleil et la forte chaleur de ce
week-end a fait se décoller des morceaux, quand d'autres ont été
arrachés par des visiteurs peu scrupuleux ou juste par le passage
répété des badauds.
J'ai adoré observer les gens qui
prenaient des photos mais en même temps je me suis énervée sur un pauvre mec
qui découpait des morceaux immenses pour les glisser dans son sac (
pour les revendre?).
Le vent faisait parfois danser tous ces petits papiers dans un magnifique ballet.
Une atmosphère de fin du monde se dégageait de l'endroit et c'était fascinant à observer.
J'ai moi-même ramassé des bouts
déjà abîmés que j'ai gardé précieusement depuis.
Il y a eu beaucoup de polémique autour de cette œuvre et j'ai adoré la façon de répondre de JR.
D'abord il y avait l'aspect écologique
qui pourtant a été pris en compte puisque le papier a été
récupéré et recyclé et surtout qu'il était imprimé avec de
l'encre non toxique.
Ensuite c'était l'aspect éphémère
qui sonnait comme une arnaque mais qui pour l'artiste faisait partie
intégrante de l’œuvre : « The images, like life,
are ephemeral».
Personne ne pouvait prédire comment
cela évoluerai ( tellement de facteur à prendre en compte ) et
c'est justement ça qui était beau.
J'ai moi-même beaucoup râlé sur les
gens qui déchiraient des morceaux.
Pour JR cela faisait aussi parti de
son œuvre, les morceaux emportés (qu'importe la manière) peuvent
continuer à vivre ailleurs. Il a d'ailleurs beaucoup montré en
story instagram comment les visiteurs les ont subtilisés et ce
qu'ils en ont fait après.
Il y avait aussi une vidéo
montrant un petit garçon de deux/trois ans aidant un agent
d'entretien a ramasser les papiers par terre.
L'autre point de discorde était que
l'installation a été faite par des bénévoles, donc accusation
d'exploitation mais il est bien noté que c'est une œuvre
participative. C'est chouette aussi un projet qui se base sur
l'entraide.
Après je ne suis pas naïve, il y a
peut-être du vrai dans ses accusations et un peu d'angélisme de la
part de JR. Mais on peut aussi essayer de voir au-delà des choses et
s’émerveiller quand des gens tentent des projets un peu
différents. Cette œuvre était aussi une expérience dont on ne
connaissait pas entièrement le résultat à l'avance.
Bref, j'ai adoré l'exploit en lui-même de ce trompe-l’œil géant mais aussi tout ce qu'il a pu susciter comme réaction et action.
Il me semble qu'une création est
réussie si elle provoque des sentiments et qu'elle ne laisse pas
indifférente, de ce point de vue là c'est gagné!
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